Implantée à Bio Innovation (Temis Santé) et fondée par Marina Dechamps et Christophe Ferrand, directeurs de recherche à l’EFS Bourgogne-Franche-Comté, la start-up Advesya a reçu le feu vert de l’Agence européenne du médicament (EMA) pour tester cliniquement leur médicament de thérapie innovant (MTI), destiné à certains patients atteints de leucémie aigüe myéloïde (LAM) dont le besoin médical n’est pas couvert.
En quoi cet essai clinique de phase I est-il novateur ?
Christophe Ferrand : « Le CAR-T cell que nous avons développé sera le 1er au monde à cibler la molécule IL-1RAP. L’essai clinique sera un essai ″first in man, first in class″. Le biomédicament sera produit à Besançon par l’EFS et redistribué vers différents centres cliniques européens, dont 2 en France. À l’échelle nationale, ce sera le premier biomédicament de ce type, issu de la recherche académique française, à être évalué en essai clinique. »
Marina Deschamps : « Cet essai permettra de déterminer la dose recommandée et d’évaluer l’innocuité chez des patients atteints de LAM en rechute ou réfractaires au traitement. »
Quel rôle l’écosystème territorial a-t-il joué dans votre travail ?
M. D. : « L’écosystème local est une force. Nous profitons de notre expertise et de l’antériorité de plus de 20 ans de recherche à l’EFS sur la thérapie cellulaire et génique, mais aussi des soutiens du Grand Besançon et de la Région. Le regroupement des acteurs de la filière du biomédicament sur le site de Temis Santé a permis d’accélérer le développement du projet. »
C. F. : « Sa réussite bénéficierait au patient, mais permettrait aussi de promouvoir l’ensemble de la filière bisontine et française : les capacités de bioproduction GMP de l’EFS, mais également l’incubateur DECA-BFC et le PMT Santé qui nous ont accompagnés1. »
Vos recherches ont débuté en 2012. Pour atteindre l’essai clinique, voire apporter le médicament au chevet du patient, c’est un long parcours…
M. D. : « Il a fallu tout construire et démontrer. En 2018, les résultats que nous avions obtenus nous ont permis de déposer un brevet, la valeur concrète lorsque l’on ne fait ″que″ générer de la connaissance, et le seul moyen de la protéger. »
C. F. : « Nous avons ensuite créé CanCell Therapeutics, aujourd’hui Advesya, afin de porter l’essai clinique. À l’époque il y avait un vide de financement public surtout sur les MTI, nous sommes donc allés chercher des fonds privés. Les projets pharmaceutiques coûtent cher et le retour sur investissement n’est pas immédiat. En 2022, la société d’investissement Jeito Capital nous a suivis. Il nous aura fallu 2 ans, avec une équipe expérimentée, pour parvenir à l’autorisation d’essai clinique, ce qui reste relativement court. »
M. D : « Nous développons un MTI et la mission d’Advesya est de proposer des options thérapeutiques innovantes aux patients, nous ne vendons rien. L’inertie n’est pas possible dans une startup ! Nous devons toujours progresser.
C. F. : « Un essai clinique de phase I dure environ 2 ans, avant les phases d’extension en vue d’une mise sur le marché. Il reste à boucler le financement pour la totalité de l’essai clinique. Effectivement, la temporalité pharmaceutique est longue : les médicaments actuels ont été pensés il y a 15 ans. De notre côté, nous avons essayé d’anticiper mais de nouveaux modèles arrivent déjà en laboratoire. »
1. Pour sa partie académique, ce projet a reçu le soutien de nombreuses autres institutions comme la Ligue contre le cancer des comités de Montbéliard et Besançon, du Cancéropôle Grand-Est, de la Société de greffe de moelle et de thérapie cellulaire (SFGMTC).
L’EFS BFC produira les CAR-T pour l’essai clinique
L’EFS BFC, à travers sa plateforme MTI, a été autorisé par l’EMA à produire le nouveau traitement CAR-T cell dans le cadre de l’essai clinique piloté par Advesya. Ce type de biomédicament développé et produit à Besançon, par des acteurs académiques est également une première en France.
« Une fois que nous recevons le prélèvement de lymphocytes T d’un patient, nous disposons de 9 jours pour produire et de 2 semaines pour effectuer les contrôles de qualité, puis la revue qualité du dossier de lot (certification) permettant d’assurer la pureté, la sécurité et l’efficacité du médicament, soit 28 jours en tout. Cela peut paraître long du point de vue des patients, mais c’est le délai standard minimum pour leur mettre des CAR-T cell à disposition », explique Jeanne Galaine, directrice du département Biologie, Thérapie, Diagnostic à l’EFS.
Actuellement, la plateforme MTI de Besançon est dimensionnée pour des essais cliniques de phases I et II, « mais nous pouvons produire pour des essais cliniques de phase III en fonction des cadences exigées, notamment en répartissant la charge entre les 4 plateformes MTI de l’EFS en France (Besançon, Grenoble, Créteil et Nantes). Nous avons par ailleurs en projet d’augmenter notre capacité en termes de projets pris en charge, en agrandissant la surface des locaux de production ».