L’industrie du futur, c’est maintenant

Délégué régional au CETIM*, Gérard Vallet est également correspondant pour l’Alliance Industrie du futur**. A ce titre, il est pleinement engagé dans la transformation des entreprises régionales, un sujet qui le passionne. Il fait le point avec nous sur l’Industrie du futur en région et donne des pistes aux entreprises qui se questionnent et souhaitent engager leur transformation.

Quels sont les enjeux de l’Industrie du futur ?

Nous sommes là pour accompagner les entreprises à se transformer en tenant compte de l’évolution sociétale. On assiste à une transformation hydride de la société : technologique, numérique, environnementale, sociétale… Les évolutions sont multiples. Il s’agit d’un changement profond, global, qui s’applique également aux entreprises. C’est une évolution nouvelle, qui ne peut pas répéter les évolutions passées : les entreprises doivent intégrer la technologie et le numérique qui impactent leur fonctionnement.

La première vague du projet « Usine du futur » était très orientée sur l’interne de l’entreprise, car avant de se structurer pour l’industrie du futur, il faut déjà être compétitif dans son fonctionnement. L’Industrie du futur, devra elle être plus écologique, plus intelligente : elle doit pouvoir s’adapter à la quatrième révolution industrielle, au carrefour des transitions technologiques et numériques de notre société (cyber système).

Mais même si l’on parle beaucoup de nouvelles technologies, de modernisation des équipements, il ne faut pas oublier le facteur humain. Il est central. Le fonctionnement organisationnel et managérial de la société évolue : il y a une demande pour plus de collaboratif, moins de hiérarchique. Les métiers changent : on recherche des talents, des passions chez l’individu à transformer en compétences pour l’entreprise.

L’impact pour les entreprises est direct : c’est la relation même au travail qui s’est modifiée : aujourd’hui, les salariés ne sont pas mariés avec leur travail ou leur entreprise. On l’observe simplement sur les RDV de la mécanique que nous organisons. Ces rendez-vous se prolongent régulièrement jusqu’à 18h30 ou 19h, ce qui ne posait pas de problèmes il y a quelques années. Aujourd’hui, des participants quittent la session à partir de 18h : ils privilégient la vie après le travail. C’est un reflet direct du changement profond de la société.

 

Les entreprises de Bourgogne-Franche-Comté ont-elles commencé leur transformation ?

Nous avons lancé une première vague de diagnostic dès 2016. A ce jour, 200 entreprises ont déjà bénéficié d’un accompagnement, dont certains se poursuivent. On a pu observer des réflexions qui sortent du lot. Pour citer quelques exemples, une entreprise se questionne sur la « Plastronique » où comment mettre du numérique dans mes produits, tandis qu’une industrie du décolletage a travaillé sur la création d’une école interne pour faire face aux difficultés de recrutement en accompagnant les candidats vers la professionnalisation.

Cela a été rendu possible par la création en région d’un comité de pilotage de l’Industrie du futur et d’un comité technique qui aide les entreprises dans cette démarche. Un programme d’actions collectives, cofinancé par la Région, leur est proposé. Il est porté par différents partenaires et les accompagnements interviennent à différents stades de la réflexion de l’entreprise :

  • Pour se lancer, le « diagnostic Industrie du futur », porté par le CETIM, les invite à réfléchir au plan de développement industriel de l’entreprise. On intervient en amont de la transformation vers l’Industrie du futur : à partir de ma carte d’identité de l’entreprise, sur quels axes dois-je travailler ?
  • Deux actions transversales sont également proposées. Numerica accompagne les entreprises sur l’Intégration numérique. L’ARACT amène les entreprises à prendre en compte le facteur humain dans leur mutation.
  • Enfin, des programmes d’accompagnement par filière sont accessibles aux entreprises pour travailler sur leur optimisation opérationnelle. La filière automobile peut s’adresser au Pôle Véhicule du Futur, l’aéronautique au Cluster AeroµTech du Pôle des Microtechniques, et la filière mécanique à l’UIMM.

 

Qu’en est-il des entreprises qui ne s’intéressent pas [encore] à l’Industrie du futur, quels sont les freins qui les retiennent ?

Les entreprises disposent des outils pour entamer leur démarche de transformation, mais le principal frein reste le manque de disponibilité. Plus d’une entreprise sur deux n’entre pas dans le dispositif par manque de temps.

Plus grave, les chefs d’entreprises sont encore trop nombreux à ne pas avoir pris conscience de la mutation qui se prépare et qui impactera leur entreprise. Les entreprises sont ancrées dans leurs habitudes et ne sont pas toutes prêtes à remettre en question un système qui fonctionne depuis 25 ans ; à terme cela risque de leur coûter cher. 

Il est important que les dirigeants réalisent qu’au-delà d’une nécessité, cette transformation se fait au bénéfice de leur entreprise. Si on prend le facteur de la transformation environnementale de la société par exemple, les entreprises sont obligées de limiter leur expansion pour ne pas grignoter sur les terres agricoles. Cela peut être perçu comme une contrainte. Or on constate qu’il y a beaucoup de vide dans les entreprises et de parc machines inutilisés. Les démarches LEAN qu’ont mené certaines entreprises leur ont fait gagner parfois 20% d’espace. C’est autant d’investissement financier en moins pour l’entreprise.

Il faut également replacer le facteur humain au cœur de ces transformations. D’ailleurs, pour bénéficier du programme LEAN (désormais clos), les entreprises devaient également suivre en parallèle 5 jours d’accompagnement au changement. L’intégration des équipes tout au long du process est primordial pour réussir une évolution vers l’Industrie du futur. On l’a constaté sur des exemples simples : l’une des entreprises que nous avons accompagnées a réduit ses délais de 6 à 2 mois entre l’achat d’une nouvelle machine et l’atteinte d’une capacité maximale, simplement en intégrant ses opérateurs dans la prise de décision : rédaction du cahier des charges, sélection de la machine… On oublie souvent que les opérateurs sont ceux qui maitrisent le mieux leur métier : l’information doit remonter du bas ; la planification doit se nourrir des informations remontées par la production. Un service méthode est avant tout un service support à la production, qui doit apporter des solutions aux opérateurs pour améliorer les pratiques. Il faut une très forte prise en compte de l’humain dans toutes les démarches.

 

Que peut-faire une entreprise pour entamer son évolution ?

Nous organisons, associés aux organismes composant le comité technique industrie du futur, des réunions de sensibilisation pour faciliter la prise de conscience, cela peut être une première prise de contact.

Nous donnons aussi rendez-vous aux entreprises le 28 mars à Chalon sur Saône, avec la Chambre de Commerce et d’Industrie, pour traiter de l’Industrie du futur : nous proposerons notamment un atelier sur la fabrication additive métal.

Enfin, les entreprises peuvent se rapprocher de nos partenaires pour rejoindre l’un des programmes d’accompagnements dont je parlais plus haut.

 

Prendre contact : http://www.cetim.fr/Actualites/Pres-de-chez-vous/Actions-regionales/Diagnostic-Industrie-du-futur-en-Bourgogne-Franche-Comte


*CENTRE TECHNIQUE DES INDUSTRIES MECANIQUES
Avec 700 personnes et environ 107 000 000 € de chiffre d’affaires, le CETIM réalise 60% de son activité en R&D mutualisée et 40% en actions individuelles pour les entreprises. Les équipes techniques sont basées à Senlis, St Etienne, Cluses et Nantes.

**ALLIANCE INDUSTRIE DU FUTUR
Créée en 2005 à l’occasion du lancement du plan Industrie du futur par le gouvernement, l’Alliance permet de concrétiser la volonté de l’état de redynamiser l’industrie. Elle regroupe l’ensemble des structures en charge du développement économique (syndicats professionnels, centres techniques, UIMM, pôles de compétitivité, Chambres de commerce et d’industrie…) pour accompagner les entreprises. Trois correspondants sont basés en Bourgogne-Franche-Comté : Gérard VALLET du CETIM pour la culture équipement mécanique ; Franck EICHENBERGER de Keonys, pour la culture numérique, le correspondant pour la culture automatisation / robotisation / information des ateliers est en cours de désignation.